Et puis la réforme des filières générales au lycée. Le coup de grâce. Le groupe classe qui éclate, c'est une perte de repères énorme pour les élèves. On leur vend la liberté de choisir leurs spécialités en 2nde ; en Terminale, les élèves réalisent que leur parcours ne correspond

pas aux attendus du supérieur. Les règles sont flous pour tout le monde, et on exigé des élèves qu'ils aient fait les bons choix deux ans plus tôt, à tout juste 15 ans. Parce que le superieur est exsangue aussi, et qu'il n'y a pas de place pour tout le monde.

Alors on temporise, on console. Le soir on se décharge sur son conjoint, on pleure un bon coup et on y retourner le lendemain. Certains passent par l'alcool, ou le lexo. C'est connu de toute façon, les profs sont de grands dépressifs en plus d'être des feignants pleurnichards !

Pour préserver leurs enfants, les parents plus fortunés passent par le privé, hors Parcoursup. Comment leur en vouloir ? Pour les moins dotés, financièrement et scolairement, c'est le Hunger Games de l'enseignement supérieur.

Alors le lundi 22 janvier, quand j'ai pris mes Terminales à 8h pour 3h de cours, pendant lesquels j'allais essayer de rattraper le retard pris à cause d'un programme infaisable dont on demande l'allègement depuis des années sans être écoutés, tout en répondant à leurs questions

sur le Grand Oral, examen coefficient 10 pour lequel il n'y a AUCUNE heure de cours, j'ai craqué.
Je leur ai donné un document à préparer, et je suis sortie prendre l'air dans le couloir, pensant n'en avoir que pour deux minutes. Et je me suis mise à pleurer.

Pleurer, pleurer, pleurer. Pleurer au point de laisser mes élèves, de me faire renvoyer chez moi par ma cheffe, qui me lancera un 'Prenez soin de vous, et surtout ne démissionnez pas' avant mon depart. Je suis rentrée, et j'ai pleuré deux jours sans m'arrêter.

C'est mon médecin qui m'a parlé de burn out. Il m'a dit que j'étais loin d'être la seule prof qui passait par son cabinet en décrivant la même chose. Ça m'a rassuré autant que ça m'a attristé.
Je pensais en être protégée. J'aimais tellement mon métier !

Mais c'est insidieux, on donne tout mais ce n'est jamais assez. Et puis l'institution qui nous fait honte aussi. Le plafond du CDI de mon lycée est tombé à cause des infiltrations, et je vois mon ministre à la télé parler de tenues des élèves et de service militaire next gen.

Les serveurs qui ont explosé à la première minute des cours à distance pendant la crise COVID, et mon ministre qui dit que ce sont les hackeurs russes le problème.
Et puis le mépris. Apprendre les réformes dans la presse, voire sur Twitter, plutôt que sur notre boîte mail pro.

Les annonces faites depuis Ibiza. Les ministres qui s'enchaînent après avoir fait toute leur scolarité dans le privé, y avoir mis leurs enfants, soi-disant à cause de paquet d'heures non remplacés. Le sentiment permanent de se faire cracher à la gueule par ceux censés nous aider.